Les années 1970 : Naissance de la SOGÉÉCOM!
Avec la dissolution du syndicat étudiant à Maisonneuve, c’est l’administration du collège qui fait la pluie et le beau temps au niveau de la vie étudiante. Bien que des groupes politiques, tels que le Trait d’union (TDU) et le Syndicat étudiant (SE), qui agit sur une structure volontaire, sont toujours présents dans le décor de Maisonneuve, la gestion de la cotisation étudiante demeure entre les mains de l’administration qui la distribue comme bon lui semble, sans que la population étudiante ne puisse intervenir sur la répartition de cette dernière. Les organismes doivent alors quêter leur financement auprès de l’administration. La direction en profite aussi pour développer un Service de la vie étudiante qui prend le contrôle sur la vie socioculturelle jadis organisée et gérée par l’association étudiante. Encore de nos jours, ce service gère une bonne partie de la vie étudiante.
Le SE et les organismes ne jouissent plus des ressources dont ils disposaient par le passé et ne disposent plus d’instances unitaires telle l’assemblée générale pour rassembler sur une base commune l’ensemble de la population étudiante et la représenter face à l’administration. Les militant(e)s de l’époque entament donc une lutte pour récupérer la gestion de la cotisation étudiante. En 1971, ils et elles tentent de mettre sur pied une fédération des organismes. On peut lire sur la première page du TDU du 29 novembre 1971 que « La création de la Fédération des organismes redonnera au syndicat des étudiants le rôle qu’il occupait jadis et qu’il perdit lors des évènements de 1968 ». À l’époque, l’équipe du TDU joue un rôle important dans la renaissance du syndicalisme étudiant à Maisonneuve et au niveau national.
Trois buts sont recherchés avec la création de la fédération : marquer l’indépendance étudiante face à l’administration, rendre redevable à la population étudiante les différents organismes qui la composent et mettre fin au gaspillage de fonds. Après deux ans de travail, la fédération voit finalement le jour, elle se nommera désormais Société Générale des Étudiants du Collège de Maisonneuve (SOGÉCOM). Officiellement, la SOGÉCOM est fondée le 5 mai 1973. La nouvelle association étudiante récupère donc la gestion des cotisations étudiantes et le rôle d’information et de mobilisation de la population étudiante est désormais pris en charge par le SE et le TDU de manière autonome et indépendante face à l’administration.
Très rapidement, la SOGÉÉCOM et ses différentes composantes seront appelées à relancer la lutte étudiante à Maisonneuve. En 1974, le mouvement étudiant se mobilise massivement contre l’imposition du Test d’Aptitude aux Études Universitaires (TAEU). Pour l’occasion, plusieurs cégeps et départements universitaires sont en grève. dont Maisonneuve. Avec cette mesure, le gouvernement de l’époque vise à restreindre l’accès aux études universitaires. Cette mobilisation mènera à la deuxième grève générale et la coordination qui est mise en place pour assurer le mouvement débouchera sur la création de l’Association nationale des étudiantes et étudiants du Québec (ANEEQ), le 22 mars 1975. La SOGÉÉCOM devient membre de l’ANEEQ le 27 septembre 1975. Elle y jouera un rôle important. Tant les débats en assemblées générales que les pages du TDU porteront souvent sur l’ANEEQ et les luttes qu’elle mène au niveau national.
Souvenirs marquants de 78-79
Les années 1978 et 1979 seront particulièrement intenses à Maisonneuve. Trois importantes luttes seront menées presque simultanément. Premièrement, la lutte contre les règlements étudiants, ensuite, la lutte contre la hausse des prix à la cafétéria et finalement, la troisième grève générale, la lutte nationale sur les prêts et bourses de 1978.
La lutte contre les règlements étudiants (RE), prend forme alors que le conseil d’administration du collège adopte le 7 juin 1978 de nouvelles règles étudiantes visant à se conformer au livre blanc du Parti Québécois. Ce livre exigeait que les cégeps se dotent d’une politique d’admission et de renvoi. Dans les faits, le caractère flou et répressif de ces nouvelles règles visait à encadrer l’action étudiante et réprimer l’implication syndicale. Malgré une accalmie relative du côté de la SOGÉÉCOM, les RE provoqueront un réveil et une mobilisation étudiante.
Simultanément, l’automne sera marqué par une importante mobilisation contre la hausse des prix à la cafétéria (augmentation de près de 80 % pour un repas). Plusieurs actions contre la cafétéria et les RE s’organisent. Débrayages et occupations de bureaux de l’administration s’ensuivent. On exige qu’on sorte la concession privée et que le collège prenne la cafétéria en main au même titre que la bibliothèque et les différents services. L’administration répond par la répression, comme elle l’avait fait 10 ans plus tôt. Elle fait intervenir la police et ferme plusieurs locaux étudiants dont la radio. L’ANEEQ. le syndicat des profs du collège ainsi que plusieurs syndicats étudiants locaux à travers la province appuient la lutte à Maisonneuve. Devant la force de la mobilisation, la direction recule sur les RE et suspend leur application indéfiniment.
Lancée sur une importante vague de mobilisation interne, la SOGÉÉCOM poursuivra son action à l’occasion de la grève des prêts et bourses de 1978. Initiée à Rimouski le 7 novembre 1978 pour dénoncer un régime d’aide financière qu’on juge à juste titre pourri, elle s’étendra à 33 cégeps, une université et quelques départements universitaires. Maisonneuve se joint au mouvement le 23 novembre et l’administration décrète automatiquement un lock-out. La SOGÉÉCOM participera néanmoins jusqu’au bout à cette grève offensive qui réussit à apporter des améliorations au régime de prêts et bourses.
SOGÉÉCOM, solidaire des luttes syndicales et des mouvements sociaux!
Au niveau des luttes progressistes autres qu’étudiantes, la SOGÉÉCOM y est grandement impliquée durant ces années. On a mentionné plus tôt la participation de la SOGÉÉCOM au front commun de 1976, mais on cherche aussi à plusieurs reprises à se solidariser avec la lutte des travailleuses et travailleurs en appuyant les différentes grèves et les nombreux syndicats ouvriers en lutte. D’ailleurs, durant cette période, le TDU produit systématiquement un numéro spécial à l’occasion du premier mai, journée internationale des travailleuses et travailleurs, expliquant la nécessité d’une solidarité entre étudiant(e)s, ouvrières et ouvriers et incitant la population étudiante de Maisonneuve à participer à la traditionnelle manifestation.
C’est aussi vers 1976 qu’on assiste a la création d’un comité femmes dans le paysage de la SOGÉÉCOM. Le 8 mars 1977, pour la première fois un numéro spécial du TDU parait, pris en charge exclusivement par le comité femmes. De nombreux autres exemples vont dans le même sens d’une volonté d’être solidaire de toutes les luttes progressistes, notamment la création d’un comité écologiste à la fin des années 1970, la création d’un organisme de solidarité internationale dans les années 1980, une campagne de solidarité avec les sans-papiers chiliens en 1998-1999, de nombreuses luttes antifascistes et antiracistes au sein du quartier Hochelaga-Maisonneuve ou encore la campagne contre la mondialisation néolibérale qui culmine en automne 2001 par une assemblée générale de 2000 personnes qui votent à 90% en faveur de 4 jours de grève contre le Sommet des Amériques.
Finalement, la preuve la plus probante d’une action étudiante non corporatiste durant ces années est sûrement la lutte contre la hausse de tarif du transport en commun à Montréal, où les étudiant(e)s jouèrent un rôle prépondérant. De plus, les militant(e)s de Maisonneuve porteront la mobilisation à l’ensemble du quartier Hochelaga-Maisonneuve. Suite à l’annonce d’une hausse pour un aller simple à 0,50$ faite par la Commission de transport de la Communauté urbaine de Montréal le 5 octobre 1975, la réaction ne se fait pas attendre à Montréal. Dès le lendemain, la SOGÉÉCOM tient une assemblée générale. À cette occasion, on refuse le principe de tarif étudiant, jugeant la chose comme un privilège, et on revendique la gratuité du transport en commun pour tou(te)s. Des journées de débrayage s’étendront sur quelques jours entre le 17 octobre et le 23 octobre. On diffuse largement dans le quartier en faisant du porte à porte. On invite alors la population à une assemblée publique au collège le 22 octobre et à la manifestation du 23. La SOGÉÉCOM produira alors 100 000 tracts qui seront distribués dans Hochelaga. Elle produira aussi 10 000 macarons et 50 000 autocollants. 15 000 personnes participeront à la manifestation, dont un contingent non négligeable de Maisonneuve.