Les années 1980 : entre consolidations et conflits
Le 25 mars 1980, suite à une assemblée générale, les membres décident de doter officiellement la SOGÉÉCOM d’un rôle et d’une structure syndicale, tâche qu’elle effectuait plus ou moins officiellement depuis la fin des années 70. On modifie les Statuts et règlements, et l’association prend alors une structure et une fonction similaire à celle qu’on lui connaît aujourd’hui. L’assemblée générale devient officiellement l’instance suprême de l’organisation. Le conseil exécutif se voit confier la tâche, en plus d’assurer la gestion du syndicat, d’organiser la lutte syndicale en fonction des mandats de l’AG. On assiste alors à moins de confrontations directes avec l’administration, la SOGÉÉCOM étant mieux implantée dans le décor de Maisonneuve et ayant, suite aux luttes des années 70, démontré son pouvoir de mobilisation. Une sorte de rapport de force permanent s’étant créé avec les années face à la direction.
Le contexte du mouvement étudiant québécois au cours de cette période diffère grandement de celui des années 70. Avec le référendum de 1980, les questions constitutionnelles et la loi 101, beaucoup d’énergies sont investies dans la lutte nationaliste, chose qui aura des conséquences néfastes sur l’ANEEQ et la santé du syndicalisme étudiant. On assiste aussi à la perte du monopole de la représentation étudiante nationale du côté des syndicats étudiants avec l’apparition temporaire, mais désastreuse au niveau de ses effets, d’organisations corporatistes étudiantes issues du Parti Québécois telles le Rassemblement des associations étudiantes universitaires du Québec (RAEU) et la Fédération des associations étudiantes collégiales du Québec (FAECQ) toutes deux ancêtres idéologiques des fédérations étudiantes actuelles (FECQ et FEUQ). C’est la première fois depuis les années 60 qu’on assiste à la constitution significative d’organisations nationales de droite au sein du mouvement étudiant.
À ce sujet, le TDU du 4 février 1985 reprend un article du journal Unité, journal de l’AGEUQAM, traitant de la campagne de I’ANEEQ pour préserver l’indépendance du mouvement étudiant. L’article affirme que 15 associations étudiantes locales sont infiltrées par des jeunes péquistes et jeunes libéraux avec la complicité du RAEU et de la FAECQ. Ces tentatives d’intégration du mouvement étudiant à l’État par les partis bourgeois n’est pas nouveau, mais prend de l’ampleur durant cette période. On verra dans la partie sur les années 90 que cette pratique persiste toujours aujourd’hui. La SOGÉÉCOM sera le théâtre de cette forme de sabotage.
En ce qui concerne la série de mobilisations nationales auxquelles la SOGÉÉCOM fut liée, on en dénote de nombreuses durant cette période. Que ce soit la lutte contre le Projet de règlement des études collégiales (PREC), contre les coupes budgétaires, sur les prêts et bourses ou contre le dégel des frais de scolarité, la SOGÉÉCOM est toujours présente. Tout d’abord, au printemps 1981, les étudiant(e)s du Québec se mobilisent contre le projet de réforme collégiale gouvernementale nommée PREC. Ce projet vise à encadrer davantage les programmes collégiaux et à enligner davantage les contenus de programme sur les besoins de l’entreprise et du marché du travail. Les syndicats de professeur(e)s se mobilisent aussi, car le PREC restreint l’autonomie des enseignantes et enseignants en ce qui a trait aux plans et contenus des cours.
À l’hiver 1982, le gouvernement péquiste annonce des coupures en éducation et dans les programmes sociaux. La SOGÉÉCOM réplique alors par la tenue d’une assemblée générale. On décide alors de tenir une campagne de mobilisation pour avril; campagne à laquelle participent l’ANEEQ, les centrales syndicales et les groupes populaires. Ces coupures sont importantes à relever. Elles annoncent le virage néolibéral du gouvernement du Québec. En effet, le gouvernement québécois de l’époque est le premier gouvernement, tous paliers confondus au Canada, à entamer des mesures d’ajustements structurels tels qu’exigés par les organisations capitalistes internationales. Le PQ poursuivra le saccage des programmes sociaux à sa réélection en 1994.
L’année 1986 sera particulièrement chargée à Maisonneuve. L’ANEEQ lance alors une vaste campagne nationale sur les prêts et bourses. Il y a aussi une menace d’un dégel des frais de scolarité à l’université. Claude Ryan, ministre de l’Éducation, déclare qu’il y a trop d’universitaires au Québec et qu’il faudrait songer à augmenter les droits de scolarité! Les frais sont gelés depuis 1964 à 50 $ par cours (500 $ par année pour des études à temps plein). Réuni-e-s en AG en avril, les membres de la SOGÉÉCOM se prononcent contre l’augmentation des prêts et la diminution des bourses (l’aide totale demeure la même, mais le gouvernement inverse la proportion des bourses par rapport aux prêts) et contre un éventuel dégel. Le 15 avril, on amorce une grève de 3 jours à Maisonneuve pour dénoncer la situation.
Pour donner suite au mouvement du printemps, I’ANEEQ appelle à une réunion extraordinaire du mouvement étudiant en septembre au cégep Lionel-Groulx. La plateforme de revendications de la quatrième grève générale qui se prépare est la suivante: maintien du gel des frais de scolarité jusqu’à la fin du mandat du gouvernement, retrait des frais afférents (ils viennent juste d’être introduits) et négociations avec l’ANEEQ d’une réforme des prêts et bourses. La grève débute en novembre. Elle dure 2 semaines. À Maisonneuve, le débrayage ne tiendra que 7 jours.
Suite à la mobilisation, le premier ministre Robert Bourassa annonce le maintien du gel. L’État ne recule cependant pas sur les frais afférents. Des négociations s’engagent entre I’ANEEQ et la Direction générale de l’aide financière aux études (DGAFE). Autre changement suite à la grève, le RAEU et la FAECQ sont dissoutes, leur stratégie anti-mobilisation étant en contradiction flagrante avec les gains de la dernière grève. L’ANEEQ se retrouve de nouveau seule dans le paysage national. C’est l’apogée du syndicat national.
Au-delà de la contestation simplement étudiante, l’action sociale plus large est toujours présente au collège. On assiste durant cette période à la création du Groupe écologiste de Maisonneuve (GEM). Au niveau international, on se solidarise avec le Nicaragua, le Salvador et I’Angola. On dénonce aussi l’apartheid en Afrique du Sud. Dans cette vague pro-pacifiste et anti-militariste, le GEM, Amnistie internationale de Maisonneuve ainsi que des militant(e)s de la SOGÉÉCOM manifestent dans le Foyer le 14 février 1989 contre la venue du Royal 22e Régiment. Ce dernier tient au collège un kiosque de recrutement des Forces armées canadiennes. Finalement, les soldats quitteront les lieux. On voit donc qu’à mesure qu’en même temps que se consolide la vocation syndicale des associations étudiantes, les cohortes successives d’étudiant-e-s ont à coeur de demeurer solidaires des luttes sociales, tant nationales qu’internationales, dans la perspective de participer à une transformation générale de la société.
*Pour en savoir davantage sur cette période de l’histoire du mouvement étudiant, vous pouvez consulter notamment les journaux étudiants publiés par l’ANEEQ entre 1977 et 1988.