Faire la grève pour le climat?

Ça fait plusieurs mois déjà qu’on en entend parler: chaque vendredi, l’année dernière, des élèves du secondaire se mettaient en grève pour dénoncer l’inaction des gouvernements en matière d’environnement. Quand on les interrogeait, elles et ils répondaient «pourquoi aller à l’école si le gouvernement n’écoute pas les scientifiques?»

On baigne dans l’urgence de la crise écologique depuis qu’on est né-es; on voit bien que manger moins de viande, couper l’eau quand on se brosse les dents pis le recyclage ne sauvera pas la planète au rythme où les choses avancent. On aura eu beau appliquer tous ces beaux principes, les scientifiques continuent de tirer la sonnette d’alarme : le mode de vie basé sur l’exploitation effrénée des ressources naturelles qui est aujourd’hui le nôtre nous mène à notre perte. Face à ce constat, certain-es s’organisent: le 27 septembre prochain, l’appel est lancé pour une grève d’envergure mondiale. Une grève étudiante, certes, mais qui vise également à mobiliser les travailleurs et travailleuses, parce qu’on s’entend, ça va prendre une GROSSE mobilisation pour renverser la tendance.

Mais pourquoi faire la grève quand c’est tout le système qu’il faudrait changer?

La pertinence des grèves comme outil de transformation sociale peut sembler moins évidente qu’il y a cinquante ans, mais c’est peut-être dû à un manque de combativité des organisations syndicales combiné à une judiciarisation des mouvements sociaux plutôt qu’à la perte de pertinence de ce moyen d’action. Au contraire, alors que face à la crise écologique nous sommes nombreuses et nombreux à ressentir un isolement grandissant, il est crucial de prioriser une forme de lutte collective, à la hauteur du défi qui nous est posé. Plus concrètement, les journées de grève ponctuelles sont à la fois des opportunités d’envoyer un message clair et des moments de politisation particulièrement fertiles. Dans le cas du mouvement étudiant, ces journées permettent à celles et ceux qui y participent de découvrir l’enthousiasme que procure l’organisation collective et l’émancipation qui y est associée.

«Si la grève apparaît aujourd’hui comme un élément nuisible et indésirable pour plusieurs, même pour certains travailleurs-euses et certains syndicats, le blocage économique engendré par une grève demeure le moyen le plus efficace de démocratisation et de réduction des inégalités socioéconomiques. Considérant que la radicalité des revendications que nous porterons sera directement proportionnelle au rapport de force que nous construirons, nous devons réfléchir activement à la place que pourrait tenir une grève. Plus le rapport de force sera en notre faveur, plus nous pourrons contraindre le gouvernement à adopter des politiques audacieuses. La légitimité politique que confère la grève serait un atout important dans la construction de ce rapport de force.»

-Planète en grève (Earth Strike)

Dans le contexte étudiant, le rapport de force établi par la grève est moins limpide que lorsqu’il s’agit d’une grève de travailleurs et travailleuses, mais en bout de ligne, c’est à l’État que les grévistes étudiant-es s’adressent, tout en tentant de rallier la population à leurs revendications. Cela veut donc dire qu’en ce qui a trait à l’urgence climatique, le mouvement de grève vise à forcer les gouvernements à agir, mais aussi à prendre conscience de ce qu’on peut réaliser lorsqu’on prend en charge collectivement notre avenir. Et sérieusement, il va falloir s’y mettre, parce que les élites politiques et économiques n’ont pas intérêt à faire changer les choses, ça leur permet quand même de s’en mettre plein les poches.

On pourrait mettre en place tous les petits gestes écolos auxquels on peut penser, si les multinationales continuent à polluer autant, on va continuer à foncer dans le mur.

Ce dont on a vraiment besoin, c’est probablement plus que quelques journées de grève, vu l’ampleur de la crise écologique, mais si on arrive à créer un mouvement de grève mondial, ponctué par une énorme manifestation le 27 septembre, on aura acquis des outils inestimables et une solide expérience d’organisation collective.

Pis pourquoi faire une grève alors que y’a déjà une journée pour l’environnement le 27?

Premièrement, on peut gager que sans mouvement de grève, les directions des établissements d’enseignement n’auraient jamais inclus une journée pour l’environnement au calendrier scolaire. Or, lorsqu’une telle journée est élaborée par l’institution d’enseignement, elle perd de son potentiel revendicateur et subversif, et ne peut alors que prendre la forme que lui donne la direction. Et comme l’affirment les collectifs Planète en grève et Lutte commune, «l’urgence climatique demande plus que des journées de congés. Il importe de politiser cette journée pour illustrer l’importance que nous accordons aux enjeux climatiques.» C’est pour cette raison que dans plusieurs cégeps, les membres des associations étudiantes songent sérieusement à adopter un mandat de grève pour la journée du 26 septembre également. Après tout, la grève libère du temps et une journée supplémentaire pour lutter contre la catastrophe écologique ne sera pas de trop!